Cabinet racine (2022)

Elizabeth Saint-Jalmes 5 Performance 5 Cabinet racine (2022)

La résidence de création de sculptures en céramique dans la rue « Se Planter là » se déploie de mai à Novembre 2022.
Dans les espaces publics de Gentilly (Marché Frileuse les mercredi et samedi, Cimetière, parc Pablo Picasso et trottoir devant le Générateur), assise à un bureau mobile, le Cabinet Racine, je travaille la terre pour produire une série de sculptures. En face de moi, une chaise vide invite les curieux et curieuses à l’échange.

Ce terrain d’étude permet d’inviter les passants et passantes à aborder une question centrales : les différentes typologies de rencontres au sein de la création.

Devant mes interlocuteurs et interlocutrices, les endroits d’influence sont connectés comme on trace une carte, et ce, au sein même des sculptures : les productions ont le statut d’objet éponge relationnelle.

L’exposition  » Se planter là » a mis les sculptures en scène et en relation avec des plantes en novembre 2022 dans « L’abri Trou » un espace gonflable géant conçu comme un espace de possibles .

Ce projet a été soutenu par la région IDF et produit par le Générateur à Gentilly.

Tenségrité relationnelle

Performatologie

Journal de résidence mai . JUIN 2022

Sortir de l’atelier, sortir l’atelier dans la rue.
Les premières explorations génèrent un imbroglio de pensées et de sentiments bien frappées de fatigue.
De cette densité, enracinée dans un substrat de confort – je suis dans mon élément, parmi les gens, dans la rue – émerge une évidence qui ne m’était pas apparue avant l’expérience.
Je mets à tous vents et en pâture ce mouvement si ténu et fragile dans le travail de l’artiste, son processus de création, son espace-temps élastique, habituellement vécu dans l’atelier.
Ici, des tentatives se traversent et se transforment, celles-là mêmes qui fabriquent la pensée de ce que l’on est en train de construire.

Si l’environnement est central dans le processus de fabrication en tant qu’élément perturbateur et influenceur, les questions du nerf de la fabrique, continuité de ma recherche, ne se sont font pas attendre.

Fidèle à l’adage « si tu sais où tu vas, change », mon mouvement est mû par l’élan d’un geste au présent.
Je compose avec les messages que la terre me passe sur ses temps de séchage, son rapport au climat et au transport des pièces d’un endroit à l’autre de la ville, et la forme que je propose à la matière : un tissage de relations avec les personnes rencontrées et leurs récits, de relations physiques entre la terre et moi, et de questions symboliques autour de la représentation et du style.

Chaque pièce relève son propre défi technique lequel se retrouve et se transforme dans la suivante, accueillant, comme les prochaines, ses lots de ponctuations impromptues issus des accidents d’apprentissage et des rencontres.
Deux mois d’exploration menée comme une écriture chorégraphique ; d’une succession de mouvements jetés, posés, pesés les uns après les autres, chaque jardinière fait trace.

Journal de résidence Juillet . Aout 2022

Chaleur de l’été : retour dans l’atelier.
Je m’équipe d’un four à céramique, apprends à m’en servir et profite de la sédentarité pour créer de grosses pièces.
Délivrée de la contrainte de transport, j’expérimente des techniques de montage des pièces plus complexes, tandis que la canicule, en brusquant les temps de séchage, cause des fêlures et brisures parfois impossibles à réparer.

Les questions « que faire, que représenter ?» s’incrustent au cœur de l’été et dézinguent le spontané. Sur les 15 pièces créées en presque quatre mois, une grosse poignée ne passera pas le casting.
Qu’est-ce qui fait qu’une pièce trouve sa place dans le panthéon des validées ?
Mes réponses à cette question deviennent, immédiatement, me semble-t-il, un socle pour la suite. Dès lors, le geste, cristallisation des relations entre la terre et le mouvement s’affirme, un maillage de formes équilibristes entre l’abstraction et la représentation du corps se déploie.

Je ne sors pas de l’atelier, je modèle, assemble, colore aux engobes, cuis, émaille. En deux mois 6 cuissons sont réalisées : Quatre pièces sont cuites et émaillées – Une pièce explose à la cuisson et une autre avant. Trois restent à cuire et émailler.

Neuf personnes proches qui n’ont jamais pratiqué la céramique viennent à l’atelier pour créer de petites œuvres qui sont cuites deux fois après avoir été colorées. Finalement, dans une situation différente et avec une activité différente pour mon invité.e, quelque-chose a à voir avec la situation où une personne inconnue est attablée au cabinet racine : une plongée à deux dans un espace qui invite à sortir de soi.